Fontenay aux roses...

C'est marrant. Des fois j'ai cette chanson de Le Forestier qui me revient en mémoire quand je me promène dans cette école, "Fontenay aux roses", que j'avais dans une autre vie apprise à la guitare...

Mon dernier retour de Leipzig a été moins rigolo que d'habitude. Je me suis fait choper sans ticket par des contrôleurs dans le tram. Autrefois, quand j'étais plus "touriste" j'avais eu le réflexe de parler en anglais. Et ici les contrôleurs ne parlent pas anglais. Devant leur embarras ils m'avaient laissé filer. Mais cette fois-ci j'ai eu le réflexe de répondre en allemand et dès les premiers mots j'ai compris que j'étais fait comme un rat...

Leur méthode est toujours la même. Ils sont en civil et ressemblent à de vulgaires passagers. A un moment, entre deux arrêts, un d'entre eux se dévoile, se place au milieu du wagon et montre sa carte en criant quelque chose.

La première fois c'était une blonde aux cheveux longs qui m'avait fait le coup. Elle était appuyée contre la vitre, elle avait presque l'air rêveuse, puis elle s'est approchée de moi et m'a collé sa carte sous le nez.

Tout de suite ca m'a fait penser à la Stasi ou à une police politique. Des contrôleurs en civil, ca fait se méfier de tout le monde, puisqu'à peu près tout le monde peut être un contrôleur du coup... Et quand on a quelque chose à se reprocher ca rend un peu parano !

Donc je verrai plus tard si je paye cette prune ou pas.

J'avais bien les boules après ca et une nouvelle fois je suis redescendu de mon nuage allemand. Pendant quelques heures. Mais mes compagnes de route m'ont fait penser à autre chose et la sociabilité a pris le dessus...

Arrivés à l'école on s'est fait une méga bataille de boules de neige. C'était géant car ca faisait une paye que j'en avais plus fait ! Tous les gens qui passaient eux aussi y avaient droit. Le hic, c'est qu'après c'est moi qui ai dégusté : j'avais pas mis de gants et j'ai eu tellement mal aux mains pendant le quart d'heure qui a suivi que je me suis demandé si on allait pas devoir me couper les doigts... Enfin, l'idée m'a traversé la tête au moins quelques secondes !

Pauvre petit sudiste qui oublie que la neige c'est froid...

Si je pense à "Fontenay aux roses" c'est à cause de toutes ces filles dont beaucoup vont faire des dégâts plus tard (peut-être même déjà). Dès 14 ans elles sont super élégantes. Un certain nombre d'entre elles sont musiciennes et participent à la chorale de l'école. Quand je passe dans les couloirs j'entends souvent des bouts de répèts, le choeur qui chante des airs classiques, ou des filles soprano ou alto. Ca me colle des frissons à chaque fois. Souvent c'est un air de piano ou de violon, parfois de trompette. Ah, si j'avais plus de temps !

Et puis il y a aussi des élèves qui sont musiciennes, participent à la chorale, font de la danse et du dessin et apprennent le francais, autrement dit la crème de la crème ici...

Je découvre un peu tous les jours comment s'exerce la hiérarchie à travers les traditions de l'école. Par exemple dans le rapport des 12e classe (les plus grands) avec les autres élèves. Dans le fond du réfectoire il y a une grande tablée (la seule de la salle) où sont toujours assis les 12e classe. Je m'installe souvent avec eux, d'abord parce que c'était les plus vieux parmi les "jeunes", puis par réelle sympathie pour certain-e-s. Il y a quelques jours un jeune homme qui vient souvent me voir pour pratiquer le francais est venu s'installer à ma table. Il s'est fait virer dans la minute par les 12e classe. On m'a expliqué que cette table leur était réservée et que le gars n'était qu'en 10e. Ca m'a laissé baba.

Autre chose. J'ai remarqué que pour chaque repas il y a 1 ou 2 élèves plantés devant les 2 portes du réfectoire et qui surveillent les passages. Ils veillent à ce qu'on entre par une porte et qu'on ressorte par l'autre. Le but de l'opération est de surveiller que les gens nettoient bien leur table avant de partir.

Bien sûr il y en a toujours qui se défilent. Les 12e classe ! Et quand les tables ne sont pas nettoyées c'est les 2 qui font le planton qui nettoient (des 9e ou 10e, donc les plus jeunes de l'école).

J'en ai parlé avec celle que les autres appellent "Che", qui est un peu une star dans l'école. J'aime son humour et sa gentillesse. Elle m'a dit que pendant 2 ans ils devaient nettoyer derrière les autres. Que c'était donc normal qu'en 12e classe ils puissent avoir la paix et laisser les plus jeunes nettoyer les tables.

Comme j'étais pas d'accord avec ce point de vue on est parti sur une discussion éthique. Elle aime bien ca, les discussions éthiques. Elle me parlait de tradition, moi je lui parlais de hiérarchie et d'exploitation des plus jeunes.

Ce n'est pas de l'esclavage de nettoyer sa table. Par contre nettoyer celle des autres de manière obligatoire ca l'est.

Quand on est forcé de nettoyer les tables des grands c'est une sorte de bizutage quotidien et quand on a atteint l'âge des anciens on trouve ca tout naturel que les plus jeunes soient les nouveaux larbins.

Hier soir ma pote a nettoyé sa table en me disant que le soir c'est pas pareil. Ce matin elle l'a fait en prétextant que c'était pour être solidaire avec moi. Elle est fière, la petite, et maline aussi ! Je me suis contenté de sourire. Mais j'apprécie son honnêteté.

J'ai vu un spectacle organisé par les musiciens et musiciennes de l'école. 1h30 de piano, chant, violon, flûte et clarinette. Presque que du classique. Du Chopin, Tchaikovski, Ravel, Sibélius, Schubert... Un délice.

En passant dans un couloir j'entends une mélodie familière, je la suis. J'arrive jusqu'à une salle de musique. C'est beau. "Les feuilles mortes" de Prévert. Toujours lui. Mais en allemand cette fois-ci. La chanson a eu un succès international. Un jour dans une soirée une Allemande bourrée était venue me la chanter en anglais, une chanson francaise pour un petit francais... Sacré Prévert !

J'ai demandé les paroles allemandes à la prof de musique. Ca m'a rappelé Martin, le petit blondinet allemand de Marseille qui la jouait au saxo. Avant son départ il l'avait jouée dans un bar du Vieux Port et je l'avais chantée avec l'orchestre de la soirée. Jolis souvenirs.