Home sweet home

Publié le par Movaniel






Ah, ca fait du bien de revenir à Leipzig ! 2 semaines que j'y avais pas mis les pieds et en arrivant je me sens chez moi. J'ai franchi le premier mur de briques rouges de la Spinerei avec l'air de la chanson d'Aznavour dans la gorge. Je l'ai chantée et ca m'a fait drôle d'entendre ma voix en francais résonner sur ces murs si froids.
Quelle émotion de voir les pépettes leipzigoises avec leur beauté sombre : maquillage noir, vernis au bout des doigts, bottes et cheveux colorés ou délavés. Elles marchent souvent avec ce mélange d'airs branché, alternatif et blasé sur le visage.
Je les contemple, content d'être revenu et je manque de me faire embarquer par une voiture en traversant la route...


Il pleuvait aujourd'hui, mais je suis un guerrier du stop. J'ai déjà fait du stop sous la neige et comme disait Nietzsche (qui sort de la même école que moi mais sans avoir jamais levé le pouce) : " A l'école de guerre de la vie, ce qui ne me tue pas me rend plus fort."
Oui, oui, oui, l'hiver n'aura pas ma peau !
Bon, je dois avouer que pendant presque 2 semaines j'avais un moral en dents de scie. Mais c'est passé brusquement, comme c'était venu, à force d'auto-suggestion.
Il y a quelques jours j'ai connu un sentiment de lassitude extrême. Je ne voyais que la routine du boulot, la superficialité des ados qui m'entourent, leur molesse et leur je-m'en-foutisme, l'inconsistance de ma collègue et voisine british dont la seule ambition de princesse dégénérée est de trouver un prince charmant à se taper parmi les élèves (bon, je peux pas lui en vouloir : elle a 21 ans et elle a l'air de venir de la haute), l'excès de sérieux des profs, les règles étouffantes de ce putain de tour d'ivoire-prison de 500 ans... Et enfin leur credo, leur obcession : TRAVAILLER.
La nuit je rêvais du portail d'entrée avec écrit au-dessus en grosses lettres :
"ARBEITEN MACHT FREI" !
Je sais, ca fera pas rire les Allemand-e-s.
Moi non plus je rigolais pas.


Et puis à un moment mon optimisme naturel a repris le dessus. Et je suis redevenu un imbécile heureux. Je voyais à nouveau les choses sous un angle positif.
Je crois que le déclic s'est produit en classe. J'avais préparé une lecon que je trouvais géniale. Sauf que les éléves ne réagissaient pas comme j'aurais pensé.
Je posais une question basique et pour toute réponse j'avais un silence de mort. Je croyais avoir 24 élèves momifés en face de moi.
Quand soudain un gars qui roupille habituellement dans le cours (ou dit des trucs qui servent à rien) (ou daigne même pas parler francais) (enfin le genre qu'en france on mettrait au fond pour être tranquille) a levé la main. Oui lui. Merde.
Alors je me suis fait un plaisir de l'interroger, un peu hésitant peut-être. Et surtout ému.
Et ce putain de petit branleur a dit : "J'aime beaucoup ton pantalon" !


Et là c'est allé très vite. Il y en a qui ont commencé à ricaner. Je dois dire que je fais pas beaucoup d'efforts vestimentaires à l'école. Certain-e-s d'entre eux s'habillent comme des souverains que tout bon sans-culotte aurait envie de décapiter. Mais moi je préfère le look barbe naissante et pantalon violet. Le seul que j'ai à l'ecole et qui me fait la moitié de la semaine...
Alors là j'ai dit, car il fallait aller très vite pour pas me faire saboter le cours :
"Merci. En fait j'en ai 5 les mêmes parce que j'adore cette couleur. Et, s'il te plait autant, si tu veux je peux t'en prêter un." Et là la classe a rigolé. J'ai pu continuer mon cours et les éléves étaient devenus plus réactifs.
J'aurais pu détester ce petit con, car c'est est un. Mais non, au final j'ai vu le côté positif de la chose.


En plus les gens n'arrêtent pas de me flatter en ce moment. On m'a dit que mes cours étaient intéressants (on m'a aussi dit qu'ils étaient ennuyeux, mais vu le visage d'angoisse qui m'a dit ca j'ai l'ai pris pour un compliment), les profs me demandent de relire des traductions officielles pour corriger les fautes de francais et de les remplacer de temps en temps (en échange de quoi ils m'accordent certaines libertés), on m'a remercié pour ma gentillesse, pour mes poèmes et mon sens de l'humour (il y a vraiment des gens qui manquent de goût) et on m'a complimenté pour mes doigts de fée.
Certains élèves me font des grands sourires quand on se croise. Je ne traîne plus qu'avec les moins lunatiques. Alors comment voir les choses en gris ?


Comme ca va tout seul et moi aussi je sème les sourires et les compliments.
Il y a quelques jours je devais faire un atelier de conversation en francais. Normalement il y a 3 ou 4 élèves. C'est peu, mais pour l'école c'est normal. Ce soir-là, manque de chance il y avait un concert de soutien au Rotary Club... Et dans cette école la musique, c'est sacré. On ne rivalise pas avec. Alors j'ai eu une élève. Seulement une. Et j'ai décidé de la bichonner. Je lui ai dit : "Choisis ce que tu veux faire." Elle m'a dit qu'elle voulait voir Délicatessen, dont j'avais déjà montré un extrait à sa classe et qu'elle avait aimé.
J'avais pas 1h30 devant moi pour tout voir, mais je l'ai fait quand même.
Le film n'avait aucun sous-titrage, et je lui ai tout traduit en simultané ! Un fichu exercice pour moi. On a rigolé comme des bossus !


Après ca on avait prévu une petite fête l'assistante anglaise et moi pour fêter notre emménagement dans un nouvel appart. On avait invité très peu de gens, craignant l'abus d'alcool. Avec en parallèle le concert et une autre fête ailleurs dans l'école.
On a eu 5 visiteurs. Et pourtant on s'est bien marrés. Personne n'aimait ma musique (ni francaise, ni anglo-saxonne, ni allemande) alors on m'a amené Britney Spears et j'ai dit oui parce que je suis un type ouvert et heureux. Et même si mes invités avaient des goûts musicaux vraiment merdiques on a siroté nos verres assis sur la moquette de ma chambre en mangeant des chips et des cornichons dans une bonne ambiance...
Quand je suis surpris et quand j'ai mal j'arrive à parler spontanement en allemand. Y a du progrès à ce niveau-là aussi.
Voilà. Et Maintenant j'ai un week-end de 5 jours ! Elle est pas belle la vie ?

Publié dans Nouvelles de voyage

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