Marseille-Leipzig, la grande aventure...

Publié le par Movaniel

2 jours pour revenir à Leipzig. Entre galères d'auto-stoppeurs et coups de théâtre hallucinants pour traverser la France, entre nuit blanche et train régional roulant à 2 à l'heure pour traverser l'Allemagne.
Arrivée avant-hier soir vers 18h. Heureusement que j'étais pas seul.
Je me sens très vaseux.


Sortir de Marseille, c'est toujours un calvaire avec tous ces beaufs qui font semblant de s'arrêter pour faire chier ou passent en trombe en faisant des bras d'honneur sous le cagnard.
Jeudi 13 août, 16h. A peu près 2 heures de ce régime. Je suis content de ma bonne vieille stratégie de faire toujours des panneaux de direction. 13 ans que ça colle et on change pas une équipe qui marche. J'étais tellement positif que j'ai même fait un panneau pour le pauvre stoppeur qui faisait le poireau à la Porte d'Aix. Une fois au 1er péage (Lançon), on était partis pour de bon.




La fatigue ramollissant les neurones, j'ai dit oui à un gars qui proposait de nous déposer à un péage de sortie d'autoroute, dans la Drôme. Au final on est resté bloqués un moment et comme on est des battants, on a même pas râlé. C'était chouette d'apprendre à se connaître sur la route. On profitait du temps qui nous était donné.
Un routier turc nous a fait faire un saut entre 2 péages. Il parlait turc et 2 ou 3 mots d'allemand et de français. Ça a limité un peu les échanges...
Vers 20h on était bloqués à un péage au-dessous de Lyon.
A minuit passé, on était lancés dans une discussion profonde et voilà qu'un routier s'est mis à nous klaxonner comme un taré. J'étais méfiant : on demandait rien et on était au calme. Mais bon, on allait pas prendre racine à un péage.
Alors j'ai couru jusqu'au camion !


Le chauffeur, c'était Duduche, un foutu moulin à paroles. 20 ans qu'il faisait la route, à ce qu'il disait. Il nous a parlé des Belges extraordinaires qu'il avait pris en stop quelques jours plus tôt. Des gens en or, d'après lui. Mais bon, à l'écouter des gens extra il y en avait partout. Des cons aussi, mais ceux-là il les évitait comme la peste. Il parlait de sa femme superbe et de ses deux gosses, nous a montré des photos, de sa maison qu'il a mis 5 ans à construire, de son pote qui allait certainement passer nous voir quand il déchargerait le camion... Il a parlé, parlé, parlé, le Duduche et je crois pas que ses pauses duraient plus de 15 secondes ! Il nous demandait toutes les 10 mn si on voulait pas un café... Et lui il enchaînait les cafés et les anecdotes. Monté sur ressort ou roulant à la coke, ah ah !
Je me suis dis que la nuit allait être longue, j'étais sur les rotules, mais prêt à l'écouter. Il était tellement adorable ce type. Notre ange gardien nous a proposé de roupiller sur sa couchette. Ma compagne de voyage a accepté et je suis resté seul en tête-à-tête avec Duduche.
Un mélange de Coluche et de Don Quichotte, un gars simple, rationnel, drôle et sacrément vivant. Il m'a demandé mon signe astrologique. Je pensais vaguement qu'il était vierge et j'ai appris plus tard que c'était le cas. Lui trouvait que je ressemblais pas à un taureau. Flatteur !
Il a conseillé des restos à Lyon et Dijon, le tout agrémenté d'anecdotes savoureuses. J'ai pris des notes. Moi je lui ai raconté Paris, l'Allemagne, les Mémoires de Casanova et son dieu de l'aventure. Parce que pour ce qui est des aventures il en connaissait un rayon le Duduche !
Il a dit qu'il prenait des notes sur toutes les rencontres qu'il faisait avec son camion et qu'un jour il écrirait un livre pour ses enfants.
Il a raconté l'histoire d'un gars qu'il avait pris, qui était moche et sentait mauvais. A un moment le gars a sorti un instrument (entre le banjo et la mandoline) et s'est mis à jouer comme un dieu, interminablement. Et Duduche a été remercié pour sa générosité.
Le stoppeur lui a dit : « Tu vois, moi je suis pas beau, mais grâce à ma musique je suis jamais sans femme. » Et Duduche lui a répondu : « On est comme on est... ».
J'étais mort de fatigue, mais à l'intérieur même les étoiles ont pu entendre mon rire !
J'ai fini par dormir 2h sur la couchette et il nous a laissé au péage de Dôle, dans le Jura, vers 6h30 du matin.


Là on était comme des vieux spaghettis trop cuits et on a ramé pour repartir.
« Besançon » ne mordait pas. Alors on a essayé en même temps « Strasbourg » et « Dijon »  et une femme très gentille nous a amené vers Dijon parce qu'on s'embourbait. Quand longtemps plus tard on a à nouveau trouvé une voiture, j'ai compris qu'on avait fait marche arrière. C'était la route  qu'on avait fait avec Duduche. Merde alors !
Vers Belfort on a appris que les péages devenaient rares, alors on a misé sur les stations services des aires de repos. Il faisait nuit et les carrosses éventuels étaient soit remplis par des familles soit conduits par des gens qui regardent trop la télé. La peur dans le regard. Terrible à voir. Sale moment, mais on préférait de loin être dans une mauvaise passe et dans notre peau que dans la leur.
Une éducatrice trentenaire revenant d'un séjour avec des adultes handicapés a fait un détour pour nous déposer à Kehl, 1ere ville allemande, histoire qu'on puisse prendre un train. Un air réservé, des jolis yeux bleus se reflétant dans le rétroviseur. Elle dégageait une grande douceur et parlait de sa petite fille. On a échangé nos expériences de travail avec les handicapés.






Ivres de joie d'arriver en Allemagne. Ça devait pas bien se voir sur nos visages ! Lessivés qu'on était. Kehl est moche. Tout était écrit en allemand. Ça mettait du baume au cœur. Et puis il y avait un immeuble aux murs transparents plein de voitures Mercedes. Une horreur. Pas de doute : ça sentait l'Allemagne et la fin du voyage.



L'immeuble Mercedes et un bout de croissant de lune.


Décidés à acheter un billet « Schönes Wochenende» - [Bon week-end] (qui permet de traverser l'Allemagne pour 37 euros de 1 à 5 personnes...), on s'est précipités sur l'automate. Dommage :  on était vendredi 22h30 et il fallait attendre le lendemain.
Problème 1 : Le 1er train était à 6h35 !
Problème 2 : On dort où ?
On avait faim, alors on est allé à Mac Do, seul endroit ouvert la nuit près de la gare. Presque 15 ans que par conviction j'avais pas mangé un menu dans un endroit pareil. Abominable de convivialité.
Après le menu j'avais encore la dalle. On m'a demandé la couleur du verre Coca-Cola que je voulais en cadeau. Quelle question ! J'en savais rien moi. J'ai dit « Rouge » au pif (rouge Coca ou rouge drapeau rouge) et on m'a dit qu'il y en a pas...
C'était du verre et mon sac à dos était plein à bloc. Sale blague !
Alors on s'est fait des sourires car l'endroit en manquait et on s'est lancé dans une grande discussion sur l'amour. Quel lieu symbolique pour deux personnes élevées au lait anti-américain ! Moi dans ma famille communiste, elle dans sa RDA natale. Et puis la frontière entre nos deux pays sonnait comme un point de rencontre. J'ai trouvé ça poétique :

Deux enfants du communisme à Mac Donald's
un de l'Ouest, l'autre de l'Est
parlant d'amour.
Quand je parle d'amour, c'est toujours un pied de nez à l'ordre établi.


A la gare il y avait un distributeur de billets. On a comaté encore une heure ou deux. C'est pas que c'était confortable, mais presque... Un clodo alcoolisé tournait en rond et parlait seul un peu trop fort. Moi je dormais que d'un œil au cas où. On a fini la nuit dehors, c'était plus chouette.



Nuit blanche à Kehl "la moisie".






6h35. En voiture Simone ! Quel bonheur d'être dans le train ! On se dit que ça va aller tout seul. Sauf que l'arrivée à Leipzig est prévue vers 17h20 avec au moins 6 changements de train entretemps. Et des trains qui rament ! Pendant 2 heures on n'a pas de place. On voyage assis entassés les uns sur les autres entre les wagons, à l'africaine, puis assoupis par terre, en guettant quand même que les cyclistes fous nous écrasent pas avec leurs véhicules, car entre les wagons c'est réservé aux vélos...
Non mais, je te jure, y a des gifles qui se perdent !
Après une longue agonie le sourire aux lèvres et des moments de franche rigolade on a fini par arriver. 12 heures de sommeil n'ont pas suffi à récupérer.
Je me répète : je me sens très vaseux.


Ah, on n'a pas l'air malheureux, hein ?


Craquage dans le train...

Publié dans Nouvelles de voyage

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