Sur Jean Ferrat, sa chanson "Nuit et brouillard" et l'idée de négationnisme...

Publié le par Mako

 

 

ll y a quelques mois, peu après la mort de Ferrat, j'avais écrit un billet d'humeur très énervé (cf Coup de gueule) motivé par la lecture d'un texte qui accolait à la chanson "Nuit et brouillard" le terme "négationnisme".

Emporté dans un élan vengeur j'avais voulu pourfendre ce que je voyais comme une possible entreprise de salisseurs de mémoire. Cela dit on est bien peu de choses : comment évaluer en effet l'ampleur d'une polémique sur internet ?

Si mes textes ne doivent à l'évidence pas toucher grand monde, je me suis dit qu'il devait en aller autrement de ce site directement rattaché au nom de Ferrat sur lequel j'avais pu lire ce texte lamentable.

J'ai dû faire une petite erreur d'analyse puisque j'ai reçu dernièrement une réponse échaudée d'un certain "Yael". Afin de ne pas laisser cet échange dans la quasi-confidentialité des échanges de commentaires en bas d'articles, je mets en copie ci-dessous le texte de cette personne suivi de ma nouvelle réaction :


 

"Ce qui est étonnant cher monsieur, c'est votre facon d'interpréter le commentaire de Meir weintrater. Tout d'abord les qualificatifs odieux et abominable que vous employez plusieurs fois paraissent tt à fait déplacés. La critique du journaliste, quoiqu'elle vous fasse monter sur vos grands chevaux, s'entend. En effet, MW n'accuse pas Ferrat de négationnisme; il dit qu'AUJOURD'HUI ce texte serait attaqué pour négationnisme implicite. Pourquoi aujourd'hui? parce qu'à l'époque les survivants Juifs se taisaient pour oublier l'horreur qu'ils avaient vécue et que le monde ignorait l'ampleur des crimes commis -eh oui, ne vous en déplaise- contre les Juifs PRiNCIPALEMENT. Le texte du journaliste n'attaque pas la chanson de j Ferrat. C'est une remarque sur l'évolution de la réception du génocide. Il note que les Juifs, à l'époque, étaient considérees comme des victimes au meme titre que les communistes et les résistants. Ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Mais est-ce seulement ca qui vous dérange? Votre promptitude à prendre des raccourcis contredit semble-t-il vos aspirations...Quant aux chemins détournés que vous empruntez pour arriver jusqu'à Israel, je vous assure que là vous pouviez faire plus court. Shalom shalom."

 

 

Ma nouvelle réponse :

 


 

Cher monsieur,

(je reprends votre apostrophe puisque vous m'appelez ainsi)

 

 

J'ai été surpris que vous soyez si choqué par la vigueur de ma réaction. Cette dernière n'avait en effet rien de bien original puisque Ferrat lui-même avait réagi avec virulence à ce texte commentant a posteriori sa chanson. Peut-être ne l'aviez-vous pas noté, ou avez-vous trouvé ça négligeable.

Je suis désolé d'avoir pu heurter votre sensibilité. Ce billet écrit sur mon blog était un "coup de gueule", donc quelque chose écrit à chaud. Si je devais aujourd'hui réécrire ce texte, possible que je soignerais un peu plus la formulation. J'étais ébranlé par la mort du chanteur et ce texte m'a mis dans une colère noire. Cela dit je ne toucherais pas au fond.

Ce que j'ai trouvé insupportable dans le texte de ce Monsieur Weintrater, c'est que je l'ai trouvé sur un site se présentant comme qui dirait un site officiel consacré au chanteur, sans annotation ni commentaire pour le texte en question (j'ai mis le lien internet dans ma première réaction). La réponse de Ferrat indigné était seulement juxtaposée. Il manquait de fait des explications sur ce qui était évoqué dans les textes, une analyse faisant le lien entre les deux afin de rendre l'affaire plus lisible. Pour un site hommage c'était au mieux vache, au pire assez fourbe !

 

Je suppose qu'après la 2e guerre les communistes du PCF auront peut-être eu tendance à tirer la couverture vers eux et leurs martyrs. Ils en ont eu eux aussi et leur aura en France est sortie grandie de la guerre. Or les enjeux mémoriels n'ont pas fini de nous agiter. Si les communistes du PC aujourd'hui n'ont quasiment plus aucun poids politique, Israël a pris depuis les années 60 une place considérable dans l'équilibre européen et, les grandes puissances occidentales lui laissant les coudées franches, aussi dans la fabrique de l'opinion via les grands médias. J'en rappelle l'interdiction récente du débat prévu récemment (avec entre autres Stéphane Hessel comme intervenant) et portant sur la politique coloniale d'Israël et des actions citoyennes pour s'y opposer. Le CRIF, instance bien connue pour son soutien permanent au gouvernement israélien, a revendiqué cette censure (cf Mediapart).

Je crois lire entre vos lignes que je confondrais Israël avec l'ensemble des juifs. Ce n'est pas le cas. Par contre Israël le fait bien souvent, notamment pour donner plus de légitimité à sa politique guerrière. J'ai suffisamment lu pour ne pas tomber dans ce raccourci qui arrange autant les dirigeants d'un Etat menant une politique coloniale que les vieux renards de l'extrême-droite française.

 

Je ne connais pas plus que ça ce M. Weintrater et l'ai découvert avec ce texte. Cependant, vu la tendance actuelle de certains à voir du négationnisme ou de l'antisémitisme là où il n'y en a pas, il joue selon moi avec des idées malsaines, ou bien -si c'était non intentionnel- leur laisse la porte ouverte. D'abord en disant sans plus d'explications que "Jean Ferrat lui-même, en tant que Français communisant, et bien que de père juif (a) intériorisé la minoration de la persécution des Juifs (...)".

Ensuite en faisant comme seul commentaire sur l'époque actuelle que la chanson de Ferrat serait attaquée pour négationnisme implicite. Sans aucun recul critique sur le parti pris idéologique de ceux qui verraient aujourd'hui un mal dans cette chanson (partisans de la droite israélienne). Je pense que ce monsieur (intentionnellement ou pas) donne du crédit à ceux-là.

 

Je rappelle comme repère les définitions données par Le Petit Larousse (édition 2003) :

- du négationnisme : « Doctrine niant la réalité du génocide des Juifs par les nazis, ou l'existence des chambres à gaz. »

- de l'opération nazie « Nuit et brouillard » : « expression désignant le système créé en 1941 par les nazis pour faire disparaître leurs opposants sans laisser de traces ; la plupart furent déportés dans des camps de concentrations. »

Taxera-t-on Le Petit Larousse de négationnisme implicite pour ne pas faire plus de place aux juifs dans ces deux définitions-là ? Il en va de même pour celles de Wikipedia, même si je reconnais qu'elles font l'objet de révisions permanentes (sans mauvais jeu de mots).

Aujourd'hui j'ai bien l'impression qu'on vit la tendance inverse de cette « minorisation de la persécution des Juifs » dont parle M. Weintrater : on ne pense le plus souvent qu'à la Shoah quand on pense à la barbarie nazie, comme si les autres victimes n'avaient pas existé (cf Encyclopédie multimédia de la Shoah). Or ce n'est pas parce qu'on est les plus nombreux ou qu'on a plus de pouvoir que les autres ne doivent pas compter. Ça Israël comme la France, les USA ou bien d'autres grandes puissances préfèrent l'oublier quand il s'agit de leurs « indigènes ».

Je constate que si l'époque des pogroms couverts ou orchestrés officiellement par des gouvernements est heureusement révolue en Europe, certaines populations victimes des nazis sont encore l'objet de la vindicte des autorités. Je pense aux Tziganes, notamment en France (cf Le Monde) comme en Italie (cf Là-bas si j'y suis).

 

Une possibilité serait que le texte de M. Wentrater ait été simplement mal écrit, sans penser à mal. Cela dit il cause du tort à la mémoire de ce grand chanteur, poète et militant qu'a été Ferrat.

Jeter des mots à la figure de gens respectables sans prendre la peine de les expliquer, quand ces mots portent des d'anathèmes, c'est mettre la réputation d'un homme entre les mâchoires des loups et sous les sabots des moutons.

 

Salut libertaire, anticolonialiste et fraternel !


Mako

Publié dans Coups de gueule

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