Un petit bout de Maïakovski...

Publié le par Mako

Que tu te caches dans les trous de l’ombre,

que tu te sois donnée en mariage outre-mer,

je poserai sur toi un baiser dans le brouillard de Londres

des lèvres de feu des réverbères.

Que tu étires des caravanes dans le désert torride

où les lions montent la garde,

pour toi

je poserai sous le sable que le vent ride

ma joue saharienne qui arde.

Qu’un sourire sur tes lèvres s’allonge,

que tu regardes -

quel joli torero ! -

et soudain

je lance la jalousie dans les loges

de mon oeil mourant de taureau.

Que sur un pont tu portes ta distraite démarche

pensant

qu’il ferait bon en bas -

je suis

la Seine qui s’écoule sous les arches.

J’appelle et découvre mes dents gâtées.

Qu’au feu de tes trotteurs, avec un autre, tu allumes

la Strelka ou bien les Sokolniki,

c’est moi, perché là-haut, la lune

qui toute nue attend et se languit.

Je suis fort,

on peut avoir besoin de moi -

m’ordonner :

va te faire tuer à la guerre.

Ton nom sera

le dernier qui caillera sur ma lèvre déchirée par l’obus.

Mourrai-je couronné ?

A Sainte-Hélène ?

Sur les flots démontés de la vie je saute en selle,

je peux aussi bien postuler

l’empire universel

que les

menottes.

Qu’il me soit donné d’être tsar,

c’est ton minois

que sur l’or solaire de mes monnaies

j’ordonnerai au peuple

de frapper.

Et là-bas

où le monde à la toundra se lie,

où le fleuve et le vent nouent entre eux des marchés,

je graverai sur mes chaînes ton nom, Lili,

dans l’obscurité du bagne, j’embrasserai ma chaîne.


 

Vladimir Maïakovski

Extrait de La Flûte de vertèbres, II


 

Lili Brick

 

(Lili Brick, l'inspiratrice de ce poème)

 


Publié dans Textes d'auteurs

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