Presque que du bonheur...
Un gars jouait de la cornemuse (« Dudelsack », j'adore ce mot) et sa partenaire des percus et du clavier. Il y avait pas mal de morceaux chantés aussi.
Mon enthousiasme allemand et mon manque de compréhension des subtilités de la langue m'ont fait trouver le concert plutôt chouette sans comprendre que la nana était une emmerdeuse finie et qu'elle se plaignait constamment.
Effectivement j'avais déjà remarqué que ma curiosité pour les choses allemandes pouvaient me rendre parfois sympathiques d'authentiques emmerdeuses.
Tant pis. Après tout, question de subjectivité... Moi j'ai passé un très bon moment.


Un bon bout de week-end avec des copains, ca fait du bien. Des balades et des conversations à n'en plus finir, des blagues, des fous rire et aussi des évocations parfois nostalgiques des moments qu'on a passés ensemble.
(c'est toujours le même qui s'endort en premier...)
Le 10 novembre, c'était la Saint-Martin, une fête chez les protestants. Ca a d'autant plus d'importance à mon école que c'est une date-clef dans sa fondation au XVIe siècle. Pour la petite histoire, ce fameux Saint-Martin se serait fait remarquer pour avoir partagé son manteau avec un pauvre. Pas mal !
Pour faire un clin d'oeil à cette histoire, le lendemain j'ai utilisé le 1er dialogue du « Père Noël est une ordure » dans lequel Thierry Lhermitte explique qu'il a donné la moitié de son manteau à un clochard, perdant ainsi son portefeuille...
La prof présente dans le cours a un peu fait la moue devant le choix de cette pièce à l'« humour macabre » et a demandé aux élèves qui avaient du mal à comprendre si ça leur plaisait. Une sur cinq a quand même répondu par l'affirmative.
Je la soupçonne de m'avoir soutenu surtout à cause du contraste entre mes cours et ceux que la prof fait d'habitude (plus stricts, plus sévères et pas très rigolos).
Jusqu'à ce moment-là j'avais du mal à adapter mes leçons au niveau des élèves. Je bossais beaucoup pour pas grand chose et pour me retrouver souvent face à des classes qui trouvaient majoritairement mes cours trop difficiles.
En fait je ne connaissais pas trop le niveau des élèves, mais depuis aujourd'hui je vois leurs sourires jaillir et les mains se lever pour intervenir. Et ça c'est du miel !
Des exercices et jeux d'écriture collectifs et « La Rue Kétanou » ont fait un carton. Et les devoirs que je leur donne, j'arrive de plus en plus à ce que ça soit ludique et qu'ils aient le sourire au moment de noter les devoirs à faire !!! Il paraît que c'est bien d'instaurer des petits rituels avec les élèves. J'ai décidé pour certaines classes de commencer le cours avec une expression nouvelle (aujourd'hui c'était "L'habit ne fait pas le moine" pour anticiper les réticences éventuelles de certaines profs devant mon style et mes méthodes), pour d'autres avec 2 lignes de poésie en leur demandant de chercher pour la fois d'après qui était le poète en question. C'est léger, ca les fait apprendre des nouvelles choses en attisant leur curiosité.
Au niveau du français, un tiers des élèves en font. C'est-à-dire à peu près 100. Mais la plupart sont timides, ils ne le pratiquent pas et beaucoup d'entre eux l'abandonnent avant la 11e classe (16 ans ?) au profit de l'anglais.
J'ai proposé de faire un ciné-club français hebdomadaire et ça a commencé avec « Le fabuleux destin d'Amélie Poulain » que beaucoup avaient déjà vu au moins 3 fois en allemand !
Dans ma hotte j'ai pris beaucoup de films d'auteurs, des dessins animés, des docs, des comédies, des drames, des films récents ou plus vieux.
Dès que ça aura bien mordu avec des films récents, je m'éloignerai de plus en plus dans le temps, histoire qu'ils aient un bon panorama de ce que le cinéma français a pu produire.
Un élève est venu me voir il y a quelques jours. Il voulait pratiquer son français. Comme il était super en demande je lui ai proposé de venir manger avec moi dès qu'il voudrait, pour pouvoir causer ensemble.
Sa curiosité a été récompensée puisque je lui ai donné quelques albums de groupes français et proposé des films. Il adore les films d'horreur, même américains, du moment qu'ils sont traduits en français ! En voilà un qui va bien s'amuser.
Il m'a dit que depuis 3 ans qu'il est dans cette école il n'y a jamais eu d'assistant de français. Seulement de russe.
Pour lui c'est certainement une chance qu'il ne veut pas laisser passer. Et vu que je calcule pas en terme d'heures sup' pour lui ça risque d'être que du bonheur.
Il est en 12e classe, comme pas mal de mes « copains » d'ici (17-18 ans).
Donc la « Martinigänseressen », c'est un repas réunissant toute l'école (les 300 élèves et les 50 profs) autour d'un plat d'oie et de chou rouge amer. Chacun a droit à un verre de vin blanc (alors c'est vraiment la fête !) et les 12e classe parfois à un 2e... Tout le monde est sur son 31. J'ai failli ne pas reconnaître certaines petites minettes tellement elles étaient transformées en femmes !
Et les plats sont entrecoupés de petits spectacles menés par les élèves ou les profs (chansons, poèmes, musique, sketches) en lien avec la Saint-Martin.
J'ai été touché par la musicalité de la langue.
Certains jours je me demande comment est-ce qu'on peut (nous les Français) encore rester bloqués sur l'image de l'allemand héritée de plus d'un siècle de propagande nationaliste qui la réduit à une nature supposée gutturale et autoritaire.
J'ai parfois des frissons en écoutant les gens parler. Souvent je ne comprends pas ce qu'ils racontent. Mais leur accent, leur intonation ou le son de leur voix dit déjà tellement de choses !
Merci à toi qui m'a donné le goût de cette langue et de ce pays, et à vous qui m'avez donné des tuyaux sur ce qui s'y passe.
Un moment rigolo aujourd'hui. Alors que j'étais lancé et chaud bouillant, que mon cours était bien rodé, la porte de la classe s'est soudain ouverte et tous mes élèves se sont fait la malle en criant.
« Carnaval », c'est tout ce que j'ai compris. La prof était déconfite. Elle m'a expliqué que normalement les 11e classe organisent le carnaval à l'école le 11 novembre. Par flemme ils ne l'ont pas fait.
Alors les 12e classe ont voulu « se venger » et en faire un aujourd'hui. Le directeur l'a interdit, mais les 12e classe l'ont fait quand même !
3 élèves sont allées parler au directeur qui voulait punir toute la classe. Ces élèves, je les connais. De ce que j'ai compris le directeur voulait les choisir comme responsables à punir. Un classique de la répression.
Je ne sais pas encore le fin mot de l'histoire. Mais leur prof d'éthique les soutient. Il trouve ça normal qu'ils et elles aient tenu à faire le carnaval en désobéissant au directeur.
Il paraîtrait qu'il y a beaucoup de conservatisme dans cette école. Et là c'est intéressant de voir comment peuvent s'affronter 2 visions du conservatisme : la défense de la tradition faite par les élèves de 12e et celle de l'autorité du directeur.
J'ai rencontré une maman. Elle est militante communiste. 1ère discussion politique.
Des élèves veulent que je les aide à faire un film, d'autres qu'on fasse du théâtre. J'ai prévu en plus du ciné hebdomadaire un atelier de danses folks bimensuel et un autre autour de la poésie et de la chanson francophones. Peut-être aussi des jeux en français. J'ai des idées pour au moins 2 ou 3 ans...
Hier soir on m'a proposé de faire un billard. Sans sortir de l'école. Après une balade dans la forêt. Tous les jours une petite leçon d'allemand pour pas rouiller, de l'anglais avec pas mal d'élèves, un peu d'exercice physique. Ma collègue anglaise est partante pour le jogging.
Bon, je me dis que ça va être dur de partir d'ici...