Prague ni-figue ni-raisin

Publié le par Movaniel


L'idée d'enlever une petite Allemande me trottait vaguement dans la tête. J'avais déjà trouvé la monture, une vieille Volvo de Prince charmant, et une chouette destination.

Essayant d'écouter la voix du petit ange qui voulait m'éviter de croupir dans une geôle germaine, j'ai décidé de m'exliler quelques jours vers Prague.
J'allais y retrouver I., une des belles rencontres des dernières vendanges que j'ai faites, Slovaque exilée en Tchéquie.
On m'avait dit que le paysage entre Dresden et Prague était superbe. Vrai. La voix de chemin de fer longeait un fleuve serpentant au milieu des collines. Sur la rive des maisons éparpillées composaient des tableaux splendides.
Arrivé à Prague, je me suis aussitôt retrouvé noyé dans un flot de touristes. Ils marchaient en bande, en troupeau je pourrais dire sans exagérer. Entre eux ils parlaient francais, anglais, espagnol, italien, allemand...
J'ai tout de suite été choqué par certains détails : les gens marchaient tous (absolument tous) leur appareil photo à la main. La même scène répétée des milliers de fois m'a donné une sensation d'asphyxie.
Les touristes faisaient des bouchons à tous les coins de rue, tellement nombreux dans le centre qu'on les voyait partout. Ils s'arrêtaient pour prendre quelque chose en photo et la seconde d'après une autre grappe de visiteurs s'arrêtaient au même endroit pour prendre le même cliché.
J'imaginais une discussion entre amis à propos de leurs vacances :
"- Robert, montre nous l'album photo de Prague !
- Oh, c'est drôle, nous aussi on a pris cette photo-là ! Ah, celle-là aussi ! Et puis ce violoniste, quel visage affreux...
- Robert aussi l'a photographié. Quand étiez-vous à Prague ?
- En 1999.
- Ah, nous c'était l'année dernière."































Je suppose que ca se passe comme ca dans pas mal d'endroits. Le tourisme de masse. Pour ma part je n'avais vu ca qu'au bord de la mer... sur la Côte d'Azur, à Barcelone ou sur la côte Atlantique. Mais quand je me retrouvais au milieu d'un flot pareil je prenais mes jambes à mon cou. Quand c'était chez moi, je migrais, le temps que passe la saison et que les bestiaux disparaissent.
En fait je n'ai rien contre le fait de voyager, mais quand c'est en masse et vers le même endroit ca devient un problème. Ca change radicalement le paysage local et fleurissent les barraques à frites, les boutiques pour classes moyennes et supérieures occidentales et l'anglais comme seul moyen de communication...

Dans le centre de Prague, on parle anglais partout. Les touristes m'abordaient en anglais, les commercants me répondaient en anglais quand je m'étais décarcassé à demander quelque chose en tchèque...
Ca m'énervait de devoir baigner là-dedans. Une copine m'a dit que j'avais fait mon touriste comme les autres et ca m'a fait réfléchir.
Sûr que j'étais un touriste (un étranger venu pour se dépayser), mais je ne pouvais pas affecter cet air de satisfaction repue au milieu de la foule, en faisant mine de ne pas voir les gens qui me marchaient sur les pieds (comme le faisaient la plupart d'entre eux). Monter dans une calèche ou louer une vieille bagnole (il y en avaient qui tournaient à tous les coins de rue) non plus. On aurait dit des gosses dans des manèges !
Mais des gosses plutôt fortunés, ou qui faisaient semblant de l'être. J'ai vu des boutiques Cartier ou Hard Rock Café et ca m'a écoeuré. Uniformisation des cultures.
J'imagine que les touristes ne vont pas tous là-dedans (puisque j'en fait partie), mais c'est lourd à voir.


Pour avoir un peu d'air frais je suis resté un moment près d'un violoniste qui jouait dans la rue (en pull alors qu'il faisait au moins 25°C). Il avait l'air moins souriant que ses collègues qui faisaient de la musique dans la même rue, mais c'était plus simple et moins tape-à-l'oeil. En fait il avait l'air sinistre. Mais beau à écouter.



J'étais le seul à l'applaudir. Il me remerciait à chaque fois de la tête. Des gens lui lancaient quelques pièces au passage, sans vraiment le regarder. Très peu s'arrêtaient ne serait-ce que 5 minutes. Par contre ca grouillait dans les magasins. Un gros bonhomme s'est planté devant moi et m'a photographié à moins d'un mètre de distance (alors que j'écoutais le musicien), sans me demander quoi que ce soit. Il m'a pas entendu l'insulter.
Probable qu'avec mon grand chapeau et mes couleurs il m'aura pris pour un "indigène" traînant dans sa réserve livrée aux touristes. À ces gens-là on demande pas leur avis.
Une famille admirait une des tours que tout le monde regardait. Elle était jolie, ma foi. Mais quand tout le monde regarde en permanence dans la même direction, il y a une pulsion naturelle qui fait que j'ai besoin de voir autre chose, de trouver une autre source de curiosité.
Toute la famille s'est placée en ligne face à la tour. La mère s'est mise sur le côté tel un général prêt à donner un ordre. Le père et leurs trois enfants avaient chacun un appareil photo numérique ou un camescope à la main et photographiaient ou filmaient la tour au même instant !

En pensant avec un peu de fantaisie positive, on aurait pu imaginer que c'était une famille d'artistes ou d'originaux.
Ca allait malheureusement bien avec l'ambiance genérale du centre où se côtoyaient la bêtise, l'uniformité avec des comportements que je trouvais souvent méprisants et impudiques envers ce peuple et ce pays. Oui, c'était comme un parc d'attraction, les touristes tenant les rôles d'enfants rois et omniprésents.





Heureusement I. était là. On se retrouvait après son travail qui la crevait pas mal. Encore un magasin à touristes, qui faisait boulangerie et café en même temps.
Elle devait pas être payée une fortune, I.. Elle travaillait dans le stress et les cris, parfois à partir de 7h du matin, faisait le service et le pain bio, au mileu des clients impatients de payer l'équivalent de 20 euros leur pain aux noix et au raisin...
I. se plaignait pas, elle avait du mal à se lever. Mais elle disait que si elle cédait à l'envie de rester au lit, elle ajouterait du travail et du stress à se collègues. C'était beau, mais je voyais les choses autrement. Peut-être nos parcours différents. Elle vient de la campagne slovaque, moi d'une ville industrielle de l'Ouest. Je me serais pas tué pour une entreprise pareille. Et elle revenait toujours souriante et joyeuse et j'aimais ce sourire.
Le jour où elle a eu fini son boulot elle était aux anges.
On a beaucoup rigolé, on s'est promené sans arrêt dans les rues et au bord de la Vltava (le nom du fleuve que j'avais du mal à prononcer). Elle m'a présenté une amie à elle, Zdenka, une actrice et chanteuse qui jouait dans plusieurs spectacles commerciaux du moment (la femme du vampire dans "Dracula", la soeur de la Joconde dans "Mona Lisa", un autre rôle dans un show consacré à Edith Piaf). Z. m'a chanté des chansons slovaques sous un arbre en fleurs dans un parc près du fleuve. Elle avait des yeux et une voix magnifiques. Je lui en ai chanté des miennes. Revenant la nuit avec les deux copines, bras dessus bras dessous, on se chantait des ritournelles.
De jolis moments.













































Ville de Mucha.




























La même vue en couleurs.






Ville de Kafka.













I. m'a emmené chez le meilleur marchand de glaces et dans un restau où on trouvait des spécialités tchèques bon marché sans trop de touristes. Des heures de marche. Une soirée tzigane dans un bar planqué... Une boutique russe qui vend des chips bizarres et de la glace bien meilleure que de la Häagen Dazs.
La place Pushkin avec ces cerisiers en fleurs.





La vue de chez I.







Le métro futuriste...












Au bord du fleuve j'ai fait une série de photos que je trouve pas mal. Des enfants qui jouent avec les canards (ces éternels canards !). I. m'a lu les lignes de la main.










(avec le son je préfère)





J'aime son sens de l'humour et son imagination. Le bonheur tient à peu de choses des fois.
Du fond de mon téléphone, une voix m'appelait vers l'Allemagne.
Avant de dire au revoir à I. j'ai commencé avec elle une série de photos dédiée aux mains de femmes. 
Puis je lui ai dit à bientôt.
Je rentrais en Allemagne, sans savoir si on m'y attendait vraiment.



Publié dans Nouvelles de voyage

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S
ça fait plaisir de voir qu'yen a qui s'amuse toujours autant!!!pleins de bonne chose à toistéphanie
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