Le Paris à vivre, à écouter et à chanter

Publié le par Movaniel

Quand certains soirs je suis le moral dans les chaussettes, usé jusqu'à l'os par cette ville-sangsue, je pousse la porte de certains endroits pour me laisser haper par les mots et les notes.

Et je me laisse aller, parfois les yeux mouillés, éprouvant parfois une émotion que j'associe à ce que des copines m'ont dit qu'elles pouvaient éprouver lorsqu'elles "s'abandonnent".


Parmi ces lieux, qui sont de vrais malles à trésor, il y a notamment Le Limonaire [1] et L'Ogresse théâtre. [2]

Dans ces malles à merveilles j'ai trouvé des bijoux précieux, mais des bijoux qu'on garde pas pour soi, qui prennent leur valeur seulement lorsqu'on les partage :


- YETI, chanteuse néerlandaise, avec son accordéon chromatique et son gros poisson sur la bretelle, qui nous embarque dans des univers angoissants, fantaisistes et super drôles. Elle était habillée sexy et m'a fait beaucoup rire avec sa gestuelle de pantin désarticulé et ses démonstrations de maladresse que je qualifie d'"anti-femme fatale".

Yeti a un myspace et un site internet (cliquez sur le mot pour y accéder) sur lesquels on peut écouter des chansons. Elle a déjà sorti deux CD.


- PIERRE HENRI, un conteur (ou raconteur), faiseur de jeux de mots-laids et de beaux maux.

Ce gars maîtrise l'art et la manière de nous tenir le crachoir pendant une heure sans parler normalement. Il m'a mis le cerveau en ébullition, mais qu'est-ce que j'étais content ! Ce monsieur a un site internet.


- TITI ZARO, duo de musiciennes qui font se mêler les musiques et les mémoires juives et créoles.

Coline Linder chante et compose des textes sur la féminité, la mémoire du corps et des tranches de vie. Elle joue également de la guitare et de la scie musicale. Oriane Lacaille est chanteuse et percussionniste. Elles m'ont fait voyager dans des mondes intimistes et émouvants, parfois abstraits et elles ont déployé un nombre d'instruments assez énorme !

Titi Zaro a un myspace et sorti un CD de démo.

- CHLOE LACAN, encore une accordéonniste, qui reprenait des chansons qu'elle aime, du jazz, du tzigane, des textes de jeunes auteurs (notamment un texte de prisonniers moitié-francais moitié-créole qui m'a collé des frissons). Elle avait une présence scénique captivante, un visage très expressif, tantôt les yeux mi-clos tantôt grands ouverts et vertigineux. Ce qui m'a le plus impressionné, c'est qu'elle semblait chanter en chuchotant. Sa voix était pourtant très nette. Et quand elle montait en puissance je devenais corde résonnant avec ses notes.

D'après ce qu'elle m'a dit, elle n'a pas fait d'album solo, mais seulement avec son groupe, "La Crevette d'acier", qui a un site et a sorti plusieurs CD dans lesquels Chloé joue. Chloé Lacan a un myspace.

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- A la salle L'Européen [3] j'ai vu un concert de SERGE UTGE-ROYO, chanteur anarchiste, fêtant la sortie de son album "La Commune n'est pas morte" (Volume 3 des "Contrechants de ma mémoire"), mêlant reprises et compositions personnelles. J'avais déjà vu Utgé-Royo en concert à Marseille il y a un an et des poussières et j'en étais sorti moyennement enthousiaste. Ce qui m'avait surtout agacé, c'est sa tendance à vouloir tout expliquer avant chaque chanson, et le pourquoi et le comment, à glisser sans arrêt des anecdotes. Mais voilà que j'ai bien changé d'avis. Je l'ai trouvé attachant, prenant maintenant toutes ses anecdotes, sa manière de rendre hommage à ses musiciens quand il est scène, pour sa manière de partager, de se livrer au public. Parce que c'est un chanteur qui passe des messages, qui parle de politique et de choses sociales.

Une amie que j'avais emmenée avec moi au concert l'a trouvé trop "moraliste". Je comprends son avis même si je ne le partage pas. Utgé-Royo est un anar militant : il a des choses à dire et des coups de gueule à passer. Il faut accepter cette idée avant d'aller le voir.
Des reprises donc, dont certaines datant de la Commune de Paris, des textes de lui ou empruntés à d'autres (comme "La Commune est en lutte" de Jean-Roger Caussimon), des hommages. Il a repris "La Carmagnole" de 1792, puis "La Communarde" de Jean-Baptiste Clément (chantée sur le même air), enfin "Chantons la Communarde !", qu'il a écrite lui en 2007.


Le peuple va tous les cinq ans,
Se couronner un président
Qui s'asseoit sur le Parlement
Et caresse les gens d'argent.
Il danse à la télé,
Chasse dans les cités...


Chantons la Communarde,
Et ca ira, et ca ira !
Chantons la Communarde,
Tournons le cul à ces rois !


On nous prends pour des demeurés,
Des chats sauvages ou du gibier.
La République des rentiers
Fait le ménage dans l'escalier ;
Pas de jeune au premier,
De pauvre ou d'étranger !...


Chantons la Communarde,
Et ca ira, et ca ira !
Chantons la Communarde,
Tournons le cul à ces rois !


Egalité, fraternité
Sont des bruits de publicité ;
La liberté est emballée
Au rayon des supermarchés.
Il pleut des boniments,
Des discours et du vent.


Chantons la Communarde,
Et ca ira, et ca ira !
Chantons la Communarde,
Tournons le cul à ces rois !


Ce qui est bien, vu qu'il explique pas mal de choses, rappelle des éléments historiques, c'est qu'apès les concerts d'Utgé-Royo je me sens toujours un peu plus intelligent.

Il a un site et dèjà publié deux livres et une douzaine de CD avant le dernier.


- En première partie d'Utgé-Royo il y avait un concentré d'émotion en la personne de NATACHA EZDRA. Ses compositions sont surtout des tranches de vie, racontant ses grands-parents (juifs bulgares réfugiés en France dans les années 1930 en croyant fuir le fascisme), ses filles et son rapport aux hommes, qu'elle décrit avec un humour à la fois féministe et anar.

Ses reprises l'ont menée du côté d'Anne Sylvestre ("Les blondes"), de Michel Bühler ("Vulgaire", un délice !), de Jean Ferrat ("La Commune") et de Christine Sèvres.
Un joli mélange de chansons sociales et de chansons d'amour (elle n'a aucune chance pour la Star Ac' !). J'étais tellement remué en sortant de son spectacle que je me suis un peu laché sur la longueur des éloges dans son livre d'or... (Quelques semaines plus tard, en faisant une recherche sur le net, elle a trouvé mon blog et m'a envoyé un mail pour me dire son émotion en lisant mon témoignage. Elle m'a écrit qu'elle le gardait précieusement et que c'était le plus beau cadeau que ce métier puisse lui offrir. Merci à toi Natacha !).

Un site internet lui est consacré. A ce jour elle a sorti deux CD.


- J'avais déjà vu Bruno Daraquy avec Utgé-Royo au concert de Marseille. Lui aussi était à L'Européen, mais s'occupait surtout des choeurs et des lumières du spectacle. Il a chanté la Carmagnole de 2007 avec Utgé-Royo et Natacha Ezdra. Un joli moment. Ce qui me fascine chez Daraquy, c'est son
physique : ses cheveux en pétard, ses dents noirâtres et bouffées par le tabac. Il a vraiment une gueule de mec du peuple, de gueux comme on pourrait en voir dans des images de la Commune ou de toutes les insurrections populaires. Au début il me fait toujours un peu peur (ses mimiques expressives et son physique menacant) et dans la seconde qui suit il me fait fondre.

Si je tiens tellement à parler de lui, c'est qu'à Marseille il avait interprêté certaines des reprises de l'album qu'il avait sorti sur Gaston Couté (1880-1911), poète du Loiret, paysan et anarchiste, mort dans la misère après avoir voulu tenter sa chance à Paris. Un de mes auteurs préférés... [4] L'album de Daraquy s'appelle "Les Absinthes".


(publié dans Le Monde Libertaire numéro 1498, du 13 au 19 décembre 2007)

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Petite anecdote : j'ai croisé Alexis HK (le chanteur de la géniale "C'que t'es belle quand j'ai bu") au concert de Chloé Lacan. Il a l'air sympa.


Ces lieux où je vis ces merveilleux moments me rappellent que Paris n'est pas qu'une vulgaire sangsue mais un vampire qui me draine tous les jours un peu de mon énergie contre quelques moments de jouissance. La contrepartie de l'horreur parisienne est musicale.

[1] Le Limonaire - 18, cité Bergère, Paris 9e, Métro Grands boulevards. Tel : 01 45 23 33 33.

[2] L'Ogresse théâtre - 4, rue des Prairies, Paris 20e, Métro Gambetta ou Porte de Bagnolet.
Tel : 01 46 36 95 15.

[3] L'Européen - 5, rue Biot , Paris 17e, Métro Place de Clichy. Tel : 01 43 87 97 13.

[4] Ceux et celles qui me connaissent doivent voir de qui je parle : j'ai passé presque un an à parler de lui ! Couté a d'ailleurs un site qui lui est consacré.

Publié dans Musique et chansons

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